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Sportbreizh, pour le dynamisme du vélo breton
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      • Lanarvily, le miracle du Vicomte

      • Publié le 25/12/2016
          • Dans la perspective des championnats de France de Lanarvily, nous lançons ce jour une série sur l'histoire de ce cyclo-cross extraordinaire. Et à l'origine, dans les années cinquante, il y a un visionnaire incontournable, Jean le Hir.
          • Lanarvily, le miracle du Vicomte
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            Les  français qui dominent la spécialité et engrangent les maillots arc-en-ciel depuis 1950, des courses qui rencontrent un beau succès populaire ; c’est dans un contexte national particulièrement favorable que l’épreuve de Lanarvily va voir le jour. La création de la course répond aussi à une nécessité régionale ! A l’époque, les coureurs du département des Côtes du Nord ne cessent de récolter titres et récompenses : leur supériorité est manifeste ! Il faut dire que, chaque semaine, ils disposent sur leur territoire d’épreuves de qualité. Le Finistère se doit donc de réagir, les coureurs de la pointe bretonne espérant combler leur retard. Jean Le Hir fait partie des meilleurs représentants finistériens et il va troquer progressivement sa casquette de coureur contre celle, bien plus lourde, d’organisateur. Bienvenue à Lanarvily ! 

            Dans le bourg, l’église et la mairie sont désormais les uniques lieux publics qui connaissent une certaine activité, qui entraînent par intermittence un semblant d’animation. Comme c’est le cas pour de trop nombreux villages ruraux, depuis la fermeture de son dernier bistrot, Lanarvily ne possède plus de commerce. Clignotant à droite, nous voici sur les terres du vicomte : un p’tit tour à la maison neuve pour apprendre que le patron des lieux bricole près du hangar. Entre un vieux tracteur Porsche et un vénérable Mac Cormick, bien entendu vêtu d’un bleu de travail, Jean nous accueille comme à son habitude… « Ah te voilà, toi ! »… L’homme, internationalement reconnu dans le Monde du cyclisme, redresse sa casquette, maudit un vieux Fendt 309 capricieux et range quelques outils. Retour à la maison, sur le banc de la cuisine…

            Comme BB

            Jean se plaît à préciser qu’il est né en 1934, comme Jacques Anquetil et Brigitte Bardot ! Cette référence à BB et au quintuple vainqueur du tour, il vous l’annonce avec le sourire et les yeux qui pétillent ! Et c’est pourtant vrai qu’il y a chez Jean, l’ancien champion de cyclo-cross, un petit côté show-biz’. C’est dans la vallée qui fit sa renommée et celle de Lanarvily, sur le versant de la commune du Drennec, que ce fils de paysans vit le jour. Demandez donc à Jean de vous raconter quelques souvenirs de jeunesse et il se plaira à évoquer sa toute première rentrée scolaire, à l’âge de huit ans. Pas évident de quitter la ferme et les chemins pour se retrouver enfermé dans une étroite salle de classe ! A midi, la porte s’ouvre et le gamin visiblement épris de liberté prend ses jambes à son cou et rentre chez sa mère : une bonne correction paternelle le remit alors dans le droit chemin ! 

            Evénement des plus importants dans la vie de l’organisateur du cyclo-cross de Lanarvily, c’est à la fin de la seconde guerre mondiale que le jeune garçon va récupérer son tout premier vélo. Les américains fraîchement débarqués poursuivent leur offensive et tentent désormais d’en finir avec les allemands arc-boutés dans la poche de Brest. Stationnés à quelques encablures de la ferme familiale, quelques ricains visiblement affamés recherchent des oeufs et proposent des échanges aux gamins du quartier. Pendant quelques semaines, Jeanne Le Hir s’étonnera ainsi de la chute de productivité de ses pondeuses ! Notre nouveau businessman récupère ainsi une bonne quantité de gâteaux et de friandises avant d’hériter d’un vélo et même d’un fusil ! Le garnement de dix ans poursuit ses opérations, négocie le fusil contre un paquet de cigarettes « Elégantes » mais garde la bicyclette. Ce deux-roues capricieux qui freine par rétropédalage accompagna Jean à l’école, à Lesneven. C’est d’ailleurs chez les frères que Jean poursuivit et acheva son apprentissage du français. 

            Sous les drapeaux

            Avant de quitter la région pour accomplir son service national, Jean est déjà un coureur reconnu qui attire les convoitises des clubs de la région. Ses débuts dans les pelotons furent pourtant délicat tant les parents Le Hir jugeaient d’un mauvais œil cette passion débordante et dangereuse pour le cyclisme ! En 1950, après de longues et pénibles heures de labeur, il termine son travail, achève de nettoyer les crèches bien plus tôt qu’à son habitude.  Il a discrètement bricolé le « ½ course » offert suite à son succès au certificat d’étude. Histoire de passer du rang de simple promeneur à celui de coursier, les garde-boues ont été enlevés. Ce jour-là, sous les yeux ébahis d’un père totalement conquis, il remporte haut la main la course du pardon du Drennec. Il signe alors une licence au Vélo-Sport de Plabennec aux côtés des célèbres Jean Leost, François Goasduff et Iffig Chopin et enchaîne les compétitions d’importance, comme le premier pas Dunlop. Ce n’est pas sans émotion qu’il se remémore aujourd’hui encore son tout premier bouquet en cyclo-cross, dans les sous-bois, entre Landerneau et La Forêt Landerneau. Arthur Bihannic, brestois du C.C. Quilbignonnais, y fut son principal adversaire mais, moins bon technicien, dût baisser pavillon, suite à une chute. 

            Le Vélo-Sport de Lesneven qui souhaite aussi s’attacher ses services, propose de lui dénicher une place dans la Marine, à Brest, une affectation assez paisible qui devrait lui permettre de s’entraîner convenablement. Pédaler tranquillement autour de la cité du Ponant quand ses parents besognent à la ferme, la perspective n’enchante guère le jeune espoir du cyclisme qui se porte alors volontaire pour un service en Allemagne ! Il enchaîna ensuite par un séjour à Saint Dizier où il accomplit d’ailleurs quelques remarquables prestations sur les terrains de cross-country. Le jeune breton est repéré par ses supérieurs et obtient donc une sélection pour les championnats de France de Metz. Sur les conseils d’un camarade de régiment, il entame alors une préparation pour le moins originale : chaque matin, avant le petit-déjeuner, il ingurgite un verre rempli pour moitié de vin rouge et de sucre en poudre ! De sa propre confession, Jean admet posséder alors – je cite - « un tonus terrib’ ». Ce fortifiant pour le moins original lui réussit et il obtient la sixième place du championnat et le titre par équipe ! 

            Champagne !

            Dans l’est, la bonne forme du soldat Le Hir n’échappe pas non plus aux dirigeants du club cycliste local qui font les yeux doux au Léonard: Mme Le Hir mère dépose le vélo du champion en gare de Landerneau et, quelques jours plus tard, Jean récupère sa machine et reprend l’entraînement en Champagne. Tous les dimanches, un marchand de charbon des bords de la Marne stoppe sa traction-avant face à la caserne et embarque le breton. Ce nouveau mentor découvre avec épouvante la bicyclette fraîchement débarquée de Bretagne ! Il devra dénicher une mécanique plus convenable tout comme il devra aussi inculquer à notre cyclo-crossman quelques nécessaires notions de diététique. Les progrès sont au rendez-vous et Jean s’engage au départ d’épreuves réputées aux côtés des stars de l’époque, les Gérardin et Rondeaux. Il engrange également quelques succès, au nez et à la barbe des coureurs locaux. En début d’année, place à la route et à la préparation des championnats régionaux : dans les longues lignes droites de la route de Nancy, Jean Le Hir engrange les kilomètres. Devant suivre son régiment en Afrique du nord, le breton sait déjà que cette course sera sa toute dernière compétition en terre champenoise. A vingt kilomètres du but, dans le vent et la brume, Jean s’échappe en compagnie du favori de l’épreuve, un champion local qu’il règle au sprint : A Saint Dizier, en mars 1954, un Drennecois devient champion de Champagne sur route ! Le lendemain, l’Est Républicain et le Haut-Marnais font la part belle aux exploits du Breton.  

            En Algérie

            En avril 1954 s’ouvre, dans la carrière du breton de Champagne, une parenthèse des plus douloureuses. Comme des dizaines de milliers de jeunes français, il doit embarquer pour l’Afrique du nord où il deviendra chauffeur d’un commandant. A Marseille, on lui accorde un e dernière permission avant de quitter la métropole et il effectue donc un rapide retour au bercail, en compagnie de quelques camarades finistériens. En fin de congés, pas question de quitter le pays à quelques heures du début du pardon de Lesneven. Nos jeunes militaires s’octroient quelques vacances supplémentaires et tardent à reprendre la route du port de Marseille. A leur retour sous les drapeaux, point de régiment et de camarades, tous ont déjà quitté le port de la cité phocéenne et voguent vers les rivages Africains. Dans l’attente d’un nouveau voyage, on affecte les « déserteurs du pardon de Lesneven » à la garde de la caserne mais cette tâche ennuyeuse ne semble guère les combler : refus des plus catégoriques et, en stop, via Paris, en vingt-quatre heures, retour dans le Léon ! L’arrivée des gendarmes dans la cour de la ferme remit le jeune déserteur sur la route de Marseille, de Tunis et la prison. C’était le premier épisode rocambolesque d’une aventure Africaine qui connut hélas d’autres rebondissements bien plus dramatiques. De retour d’une corvée de courrier à la base aérienne de Tunis, Jean le Hir est seul au volant de la jeep de son officier ; à la sortie d’un virage, la route est bouchée par un âne chargé d’un madrier. Le breton tombe dans une embuscade et ne devra son salut qu’à l’intervention de la police militaire.

            « Au boulot ! »

            Après vingt-neuf mois de service militaire, Jean Le Hir rentre au pays et entame une autre carrière. L’opportunité de reprendre une exploitation agricole pousse le Drennecois de naissance à quitter Coat-Eozen et à franchir l’Aber-Wrac’h. En 1956, le jeune Le Hir, déjà déterminé et visionnaire, se met sur son 31, pousse la porte des banques de Plabennec et Lesneven, obtient finalement un prêt et acquiert une moissonneuse. A une époque ou le Léon découvre avec envie et émerveillement le machinisme agricole, il multiplie les travaux chez les voisins et installe finalement son entreprise, au Mingant, à Lanarvily. De l’arrachage des pommes de terre primeurs à Plougonvelin aux moissons dans toute la région de Lesneven, le jeune patron dort peu, mange sur le pouce et développe rapidement son activité. Et Jean Le Hir, au fil de l’entretien, de préciser « à l’époque le lit’ de carburant n’était qu’à 16 centimes ! Tu te rends compte ». Remarque typiquement Léonarde…

            C’est à l’occasion d’un cross disputé à Bourg-Blanc que Jean reprend goût à la compétition. Il lui faudra pourtant de longs mois avant de retrouver la condition qui lui avait permis, avant ses mésaventures Africaines, de conquérir le maillot de champion de Champagne ! Difficile de savoir pourquoi ce rouleur réputé délaissa progressivement la route pour privilégier le cyclo-cross… A cette question, le vicomte n’apporte pas vraiment de réponse claire et précise. Nous pouvons seulement supposer que son activité professionnelle ne lui autorisait plus les longues sorties d’entraînement nécessaires à la réussite d’un routier. Vingt minutes de selle à allure rapide, quelques kilomètres de course à pieds et surtout certains talents d’acrobates  semblaient le maintenir parmi les meilleurs spécialistes de cyclo-cross ! On imagine aisément l’émoi de certains habitants de Kerlouan et Plouider qui, la nuit tombée, pouvaient observer un jeune cycliste portant deux lampes électriques et escaladant à toute vitesse la célèbre côte du salut avant de délaisser son vélo pour quelques kilomètres de cross… Comme l’avoue le vicomte « qu’est-ce que tu veux, quand tu es vacciné et cinglé ! ». Cet entraînement à la sauce « Jean Le Hir » permit au plus célèbre des citoyens de Lanarvily de se faire un nom dans le monde du cyclo-cross.

            Gurvan Musset

             

            Ce mardi, le 2e épisode sera consacré à la première course.
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