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Sportbreizh, pour le dynamisme du vélo breton
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          • Le 13/04/2014
          • Pierrot est parti

          • Pierrot est parti
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            Nous ne voulions pas en parler, nous ne voulions pas lui en parler, nous ne voulions pas y croire... Mais nous savions que la grande faucheuse n’était plus très loin et l’ankou s’est finalement pointé par un beau week-end de printemps, en pleine saison de vélo, à l’heure où l’on accroche son dossard en rêvant de gagne. Fin de course...

            Il faisait la gueule quand je lui racontais ça... Mon premier souvenir de PHM, c’est son pied... et c’est pas l’pied ! En 1982, il porte le maillot Coop-Mercier et participe à la grande boucle. En rentrant de l’entrainement avec d’autres p’tits minimes, direction le fauteuil pour suivre le direct du Tour : en arrivant dans le salon, la tension est palpable. Normal, le p’tit gars originaire du «kreiz breizh», comme nous, est en tête et va gagner son étape. Même s’il est repris par le grand Simon dans le dernier kilomètre, on reste confiant. Hélas, dans le sprint, Pierrot perd un cale-pied et la course ! De rage, nous avions repris le vélo pour repartir en route et croyez-moi, les lanières de cuir étaient bien serrées  !

            En 1984, Pierre-Henri se venge et, dans les rues de Rodez, ne laisse pas passer sa chance : il aligne Garde et Andersen pour le plus grand plaisir de Guimard. On imagine aisément la fiesta avec ses grands potes Barteau, Fignon, Jules et Poisson... Ce Tour aux allures de feu d’artifice sous le maillot Renault-Elf, c’était certainement l’un de ses plus beaux souvenirs ! Quand son ami Laurent est parti en août 2010, il fut frappé par le détachement du champion face à la mort qui rôdait. Il semblait étonné que l’homme ne soit même plus effrayé par la terrible et inéluctable suite...  Connaissant le personnage, il a certainement passé des plombes à réfléchir à la fin de son ami et à cette attitude totalement incompréhensible pour les «bien-portants». 

            Quelques années plus tard, un collègue de France 3 m’annonce entre deux portes que je vais travailler avec un ancien cycliste devenu caméraman. Et en salle de rédaction, je vois débarquer le Menthéour et son grand sourire ! L’ancien pro devenu policier avait choisi de quitter l’uniforme pour porter une caméra : il le fit avec beaucoup de talent et un engagement total. Ce fut le début d’une belle collaboration émaillée de bonnes parties de franche rigolade, parfois aussi de coups d’gueule. J’étais fan de ses histoires vécues dans un monde du vélo qui n’existe plus. Difficile de choisir la plus belle anecdote...

            Je vous en livre une seule car il nous faudrait des jours et des jours... En 1982, il passe pro chez Coop-Mercier sous la direction de Jean-Pierre Danguillaume. Lors d’une course par étapes, il attaque en solo dès les premiers kilomètres mais ne parvient pas à creuser l’écart : une équipe d’Europe de l’Est ne le laisse pas filer. Face à une rouge file indienne, PHM insiste et résiste au retour du peloton. Finalement, sentant le souffle des poursuivants, il met discrètement  le clignotant et se planque dans une cour de ferme. Quelques secondes plus tard, le TGV passe mais ne remarque rien. Ni vu ni connu, Pierrot repart et reprend sa place dans le peloton. L’ardoisier ne venait plus les renseigner... Les Russes ont roulé et roulé encore avant de comprendre qu’ils ne rattraperaient plus jamais personne. Et Jean-Pierre Danguillaume passa une bonne partie de l’étape à remonter le peloton en cherchant un Menthéour qui baissait la tête en gloussant et ne répondait pas aux appels d’un DS furax !

            PHM sur une moto avec une caméra, c’était l’assurance d’avoir «ce qu’il faut». L’image importante et déterminante et non pas des kilomètres de rushes inutiles. Promener le personnage à bécane, c’était aussi la certitude de ne pas s’ennuyer : il ne pouvait pas se taire et la ramenait toujours ! Les monteurs qui traitaient ses images devaient inlassablement dénicher de l’ambiance pour masquer les très enflammés commentaires off du cameraman. Et ce n’était pas forcément des encouragements... Sur une classique bretonne bien connue, il avait commencé à enguirlander des coureurs qui roulaient le nez au vent et ne savaient pas faire une bordure. Et en roulant, ses bras moulinaient, la caméra volait : il tentait d’expliquer l’intérêt de la manip’ à des gars qui doivent encore se demander qui était ce gueulard. Désabusé, il était rentré chez lui en jurant qu’on ne l’y reprendrait plus ! Rassurez-vous, il revenait toujours, même si l’absence d’audace des jeunes coureurs le minait, le consternait.

            Dans un monde du vélo bien trop sclérosé, sur une course, en coureur ou en caméraman, c’était un électron libre. Lors d’une étape de l’Essor Breton, il me demande de le placer près de la voiture de l’équipe de Chine. Il toque à la portière et le DS baisse la vitre. Je pensais qu’il voulait causer tactique ou se renseigner à propos d’un coureur, avant de faire quelques images... Une fois la vitre descendue, Pierrot lève le poing et hurle «Free Tibet». Il éclate de rire : «C’est bon, on peut y aller !» 

            Parfois, PHM fit aussi office de consultant : à ce poste, il était excellent mais ne souhaita pas poursuivre. Sur l'arrivée d'une manche de la Coupe de France, le futur vainqueur attaque aux 500m et passe la ligne en rendant son quatr’heures et son midi aussi. L’image n’est pas glamour et je tente de rattraper la chose en expliquant qu’il a tout donné pour remporter cette belle épreuve. PH pouffe et me lance un tonitruant «mais oui, c’est ça !» avant d’éclater de rire. L’homme pouvait parler des heures du dopage. Et il savait de quoi il parlait... En 1996, j’avais couvert à Bordeaux sa tentative réussie de record de l’heure; à 36 ans, il était au top mais «en pleins phares» ! Courageusement -et j’utilise ce mot à dessein- il avait ensuite demandé que sa performance soit effacée des tablettes car il avait gagné grâce au dopage. Pierrot avait analysé tout cela : il savait que, sur cette piste, il avait atteint la limite. Jusqu’où ne pas aller trop loin... 

            Bon... Je vais m’arrêter là car je pourrai, nous pourrions continuer pendant des heures. J’ai hâte de retrouver ses potes Jakez, Jeannot, Raymond ou Gégé pour découvrir des histoires que je ne connais pas encore. Bon sang, comment conclure ces trop courtes pages... Pierre-Henri Menthéour était un amoureux du cyclisme, du beau vélo... Ce vrai vélo de légende et de tradition; il adorait les courses d’hommes, il aimait les champions, les vrais coureurs de caractère. Oui, au-delà du petit monde du vélo, c’était surtout un mec brillant, un gars bien dont le regard pétillant nous manque déjà.

             

            Gurvan Musset

             

             

             

             

             

             

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