Jean-Paul, en 1984, lorsque vous donnez le départ de la première édition du Tro Bro Léon, pensiez-vous que, 40 ans plus tard, l’épreuve compterait parmi les principales classiques françaises ?
Pas du tout. A l’époque j’étais un passionné de vélo. J’ai fait du cyclo-cross. Avec mon frère Albert, nous avions lancé le cyclo-cross de Paluden à Lannilis en 1976. Je ne ratais jamais la retransmission des classiques. C’était encore l’époque de la télévision en noir et blanc. Paris-Roubaix me faisait vibrer. Mes enfants étaient scolarisés chez Diwan et il fallait trouver de l’argent pour financer l’école, et j’ai eu l’idée de créer une course en ligne avec en fin de parcours cinq ou six kilomètres de ribin, histoire de lui donner une originalité. Aujourd’hui le circuit en compte 35. Au bout de dix ans, j’avais envie d’arrêter ou de passer la main car c’était déjà devenu très compliqué d’organiser une telle course.
40 ans après, vous êtes toujours là et l’épreuve émarge désormais en ProSeries…
A cette époque, il fallait passer trois ans au niveau régional, puis trois ans avec le label national avant de passer international. Dans les années 90, devant le succès rencontré par l’épreuve, les journalistes Bernard Léger (Ouest France) et Pierre Le Bars (Le Télégramme), m’ont encouragé à aller plus haut en l’ouvrant aux professionnels. Bernard Léger m’a ouvert quelques portes. Les premiers organisateurs que je suis allé consulter furent ceux du Grand prix de Plouay. Les partenaires économiques comme les politiques nous suivaient. Des entreprises locales, comme Trecobat et Tanguy Matériaux, sont là depuis la première édition. L’épreuve est devenue open en 1999, puis professionnelle dans les années 2000.
Quel a été l’accueil des équipes professionnelles ?
Les équipes françaises ont tout de suite répondu présent. Quelques équipes belges sont aussi venues voir. Le concept des « ribinou » a plu et l’épreuve a vraiment décollé dans les années 2000 avec un public toujours plus nombreux.
En 2007, le concept est repris en Italie et les Strade Bianche sont aujourd’hui en World Tour. En France, Amaury Sport Organisation a complètement transformé Paris-Tours, réservé naguère aux sprinters, en y ajoutant des sentiers. Avez-vous le sentiment d’avoir été copié ?
Un peu quand même. A l’époque cela ne me faisait pas très plaisir, mais bon…Concernant la comparaison avec les Strade Bianche, le problème rencontré pour le Tro Bro Leon pour passer en World Tour est avant tout une question de calendrier. Concernant Paris-Tours on ne se plaint plus, vu que c’est ASO son organisateur et qui va permettre au Tro Bro Leon de perdurer et de progresser.
Concrètement, y-a-t-il des choses qui vont rapidement changer dans l’organisation ?
C’est déjà une sécurité financière que d’être adossé à ASO. La quasi-totalité de mes loisirs, mes soirées étaient consacrées au Tro Bro. Nous vieillissons tous. J’ai perdu mon frère Albert l’an dernier. Pierre Jestin notre trésorier nous a aussi quitté. Désormais j’ai un interlocuteur en la personne de Cédric Coutouly, collaborateur de Thierry Gouvenou. C’est donc un soulagement. Concernant l’organisation en elle-même, l’équipe sera toujours là. Le jour de l’épreuve, entre les signaleurs et tous les autres bénévoles, il faut mobiliser 700 personnes. Néanmoins, peut-être que le porcelet que nous remettons au premier Breton sera un jour en chocolat…
Citez-nous quelques coureurs qui se sont illustrés sur le Tro Bro Leon que vous avez apprécié plus particulièrement.
Le coureur que j’ai le plus apprécié ne l’a malheureusement jamais gagné, et pourtant, il l’aurait mérité. Il s’agit de Laurent Pichon qui incarnait l’épreuve. Il préparait chaque année « son » Tro Bro, il en faisait l’un de ses grands objectifs de la saison. Il est souvent passé très près de la victoire, mais hélas, elle lui a toujours échappé. Christophe Laporte me plait aussi beaucoup. Il gagne le Tro Bro en 2018. Jusque-là, il n’avait gagné que le Tour de Vendée. Il est aujourd’hui champion d’Europe et c’est un coureur qui a su garder toute sa simplicité, qui reste toujours abordable. Il y a aussi Andrea Vendrame, vainqueur en 2019, qui fait une belle carrière désormais chez Decathlon-AG2R la Mondiale. La semaine passée, il termine encore deuxième de la première et deuxième étape du Tour de Romandie. Dans une précédente génération, il y a eu aussi les premiers coureurs étrangers à gagner le Tro Bro, Jo Planckaert en 2000, Baden Cook en 2002. Et puis il y a tous les Bretons, Johan Le Bon, Olivier Le Gac, etc., qui animaient et animent tous les ans l’épreuve.
Propos recueillis par Albert Le Roux
-Photo d’ouverture : Deux équipes professionnelles bretonnes dans les ribinou, Ce fut aussi cela le Tro Bro Leon. (photo B. Guesdon)
-2015 : Stephen Roche, invité de l’épreuve. (photo V. Pierre)
-L’affiche toujours réalisée par l’artiste Jean-Paul Mellouët. Ici Laurent Pichon avec la mascotte, le porcelet.
-Bruno Chemin et Jean-Jacques Lamour, 1er et 2e du premier Tro Bro en 1984. (photo source Tro Bro Leon)
-Le dernier ribin avant l’entrée sur le circuit. (photo J. Chevillard)
-Christophe Laporte lance sa carrière en gagnant le Tro Bro en 2018. (photo G .Sevenou)
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