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Sportbreizh, pour le dynamisme du vélo breton
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          • Le 03/02/2013
          • P’tit Pierre, ça va chier !

          • P’tit Pierre, ça va chier !
          • Huit heures dimanche, sonnerie de réveil : la douceur aidant, qu’importe la pluie qui bat le vélux, je repousse rageusement la couette pour me glisser hors du lit et enfiler… un cuissard. Oui Môssieur : un cuissard ! C’est décidé, ce matin, je vais rouler ! Le résultat d’un pari idiot qui a mal tourné, entre deux bières : «Heeeee les mecs... Et si on f’sait la Pierre Le Bigaut ?» Le genre de truc que l’on regrette le lendemain matin en cherchant les efferalgans. Madame ouvre un œil; je lis une certaine incrédulité dans son regard, une surprise teintée d’amusement... Elle emporte la couette, se tourne en souriant et se greffe au matelas. Il faut dire que ce come-back n’est pas une première et qu’on pourrait m’appeler Johnny. Oui, elle se rendort, soupire d’aise alors que la pluie redouble et se dit très certainement que son cher époux a bien choisi son jour pour opérer son grand retour sur les routes du canton... Enfin... De la commune, dans un premier temps. En descendant les escaliers, je crois même percevoir un léger gloussement... Dans le style : «on se revoit dans cinq minutes chéri !»

            Qu’importe l’attitude désinvolte de mon fan-club déserté, j’avale le petit-déj en dédaignant le pot de Nutella et la confiture de fraises. Pourtant maison, la confiote ! Opération kiwi et café noir. Vous ne le croirez pas : à peine trente secondes pour retrouver le vélo derrière la tondeuse, entre des vieux sacs de ciment et ma réserve de tuyaux qu’il faut absolument garder alors que tout le monde sait pertinemment qu’ils ne serviront jamais à rien. Dénicher la pompe, je dois l’admettre, me prend un peu plus de temps et m’arrache quelques jolis noms d’oiseaux. Idem pour passer le chiffon sur le cadre car il n’y a bien évidemment aucune chance que la poussière s’en aille sous l’effet de la vitesse.

            Sortie du garage : les cales sont toujours aussi casse-g...... et, premier phénomène des plus étonnants, la selle me semble toute petite ! Au sec durant plusieurs années, le cuir doit certainement rétrécir avec le temps. Place ensuite à la première escalade de la matinée : quelle idée saugrenue (alternative certes désuète mais plutôt polie au mot «conne») d’habiter au fond de la vallée ! Et observation instantanée du second phénomène inexplicable de la matinée : pourtant loin de la Californie et des autres terres tremblantes, la tectonique des plaques impacte fortement la Bretagne ! Des côtes, des bosses, des coups d’cul qui s’avéraient auparavant totalement anodins et franchissables sur la grosse sont devenus de vrais murs aux allures de remparts sévèrement gardés voire de forteresses imprenables ! J’habite au pied du Ventoux et le bédouin en bave déjà...

            Haut de bosse : le sort s’acharne... Zatopek vêtue de rose, certainement issue d’une longue dynastie kenyane quoique rousse, pâle et née à Brest, ma jeune voisine rentre de son énième jogging de la semaine et m’aperçoit. Pas question de paraître fatigué... Ni fatigué, ni essoufflé.... Même pas mal ! Je ferme la bouche, rentre le ventre, lève le cul de ma maquette de selle et tente d’accélérer. Je la salue en arborant un rictus qui se voulait sourire et tente même de balancer une phrase bassement masculine (Un truc du style : «Salut ! Mmmmmoui super temps pour faire du sport et prendre soin de son corps... Bonne route à toi jeune beauté aux semelles de vent !»), le tout se résumant finalement en une sorte de grognement néandertalien. Qu’elle est longue cette dernière ligne droite ! Enfin un virage... La Miss Mimoun du quartier ne peut plus me voir : viiiiiite, ouvrir la bouche, respirer, reposer le derrière sans casser la tige de selle et remercier la DDE d’avoir placé un stop à cet endroit. Qui plus est avant une descente... Résiste à cette envie de rentrer !

            Quelques kilomètres plus tard, je peux déjà rédiger un rapport de mission détaillé, un relevé d’observations digne des travaux des plus grands explorateurs et autres ethnologues de notre temps… Avec les années, la densité d’automobilistes impatients et teigneux (là encore, alternative très polie au même mot croisé ci-dessus mais cette fois utilisé surtout au masculin et souvent aux pluriel) a considérablement augmenté. Ceci explique certainement le décuplement du nombre de VTT : il faudra bientôt rouler dans les fossés pour ne pas déranger les seigneurs diésélistes à quatre roues. Au fil des bornes, je me fais quelques amis : ils klaxonnent rageusement et, l’index virevoltant, je les salue également d’un sympathique geste tout aussi chaleureux. Voilà au moins une partie de mon anatomie qui fonctionne toujours aussi bien !

            Plusieurs heures après mon départ, vers 8h40, je croise un peloton du dimanche. Je les vois s’approcher, la main droite lâche le guidon et je salue le groupe. La paluche en l’air, j’observe niaisement les camarades de galère qui me croisent : Pas un seul ne daigne répondre à mon signe amical et ô combien confraternel ! Même pas un regard... Je porte pourtant l’équipement qui va bien avec les pubs et tout et tout. Hééé regardez, y’a même du fluo sur mon maillot ! Rien, nada, netra tout : La bérézina, je suis transparent. Deux virages plus tard, je croise les largués du groupe de tête... Ils en bavent tout autant que moi et certains arborent au dessus du cuissard, un buffet qui fait le bonheur des sponsors : bonjour la lisibilité de la pub ! Bedaine, traquenard du dimanche et qui plus est l’abondante ondée qui nous inonde... Ces points communs nous rapprochent et j’ai la faiblesse de croire que ces champions aux allures de mannequins pour les produits Père Dodu prendront le temps de lever la menotte. Que nenni ! Pour une bonne part d’entre eux, ils tournent la tête quand d’autres me lancent un regard dédaigneux… A croire que je viens de croiser la sortie annuelle de l’amicale des anciens champions du Monde ! Ou celle des producteurs de melons.

            Fin de matinée, 10h15, retour à la casa départ : j’ai mal partout. Ni fanfare ni majorette, ni ponton vendéeglobiste à mon arrivée. Tout le monde dort encore et je peux donc m’affaler lourdement dans le canapé du salon sans même tenter d’enlever mon casque. Avant de sombrer, Coluche me revient à l’esprit : "C'est dur le vélo... oh la la qu'est-ce qu'il faut être con pour faire ça comme sport !" La suite du sketch, c’est deux heures plus tard quand j’ouvre un oeil sous les vivas de la famille réunie autour de l’apéro dominical. Le beau-père est mort de rire en me tendant un p’tit blanc d’Alsace et l’un des gamins me demande «c’était dur, papa ?» Tu verras, petit scarabée, tu verras...

            Bon sang, qui est l’idiot qui a mis la douche au deuxième étage ?

            GM

            PS : La PLB, c’est le dimanche 29 juin dans le kreiz Breizh... Il me reste à peu près six mois. A vous aussi d’ailleurs

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